
Dans les arrières cuisines d’un mariage
Mare D’Australia est un petit village situé dans la partie nord-est de l’île. Ici, les traditions familiales sont toujours vivantes. Lors d'un événement important – un mariage, par exemple – tout le village est invité à mettre la main à la pâte.
Ensemble, les villageois contribuent aux préparatifs avant d’aller enfiler leurs tenues de fête et de revenir le soir pour célébrer ensemble.
Le 26 juillet dernier, quand j’ai été invitée à me faufiler dans les coulisses d’un mariage au sein d’une famille hindoue, j’ai sauté sur l’occasion ! J’en ai aussi profité pour prendre des notes et quelques photos un peu floues, entre la préparation de deux boules de gato pima…
J’ai tout de suite été accueillie par la mère de la mariée avec un copieux repas. Personne ne vient chez elle sans manger quelque chose : riz, bouillon de dhall – pois cassés – kutcha de fruit de cythère et achard de tamarin, un vrai délice !
Dès mon arrivée dans le jardin reconverti en cuisine pour l’occasion, et recouvert d’une bâche comme cela se fait souvent pour les mariages, une chose m'a frappée : il n’y avait que des femmes.
Chacune s’appliquait à la tâche qu’elle avait commencée ; il fallait éplucher, couper, écraser les bananes vertes, l’ail, le gingembre et tous les autres ingrédients nécessaires à la préparation d’un kari mauricien. Personne ne donnait des directives, elles savaient toutes ce qu’elles avaient à faire et pouvaient se relayer à n’importe quel moment. Une sacrée équipe!
Les dadis avaient déjà commencé la cuisson au feu de bois, à l’aide de spatules géantes pour remuer les ingrédients dans la "karay".
Ce sont généralement les aînées qui cuisinent. Elles ont des années de pratique et, surtout, elles connaissent les recettes sur le bout des doigts. Souvent, ce sont les mêmes recettes et techniques transmises par leur mère et qu’elles partagent à leur tour à la nouvelle génération. En occurrence, ce jour là, la nouvelle génération, c'était moi !
Je me suis discrètement approchée d’elles pour tenter de mémoriser les recettes.
A ma grande surprise, elles m’ont d’abord prise pour une touriste! Puis l’une d’entre elles s’est exclamée, en bhojpuri, “Allain ke beti hai” - C’est la fille d’Allain !
Les cuisinières connaissaient toutes mon père, mes tantes et ma grand-mère. Une vraie vie de village. Elles m’ont alors posé mille questions, avant de me confier quelques recettes familiales. J’ai donc appris par Rani, une des dadis, qu’il fallait ajouter du tamarin et des pommes d’amour aux brèdes songes pour éviter les démangeaisons. Elle m’a aussi expliqué comment mariner les bananes vertes avant de les faire frire.
Il y avait neuf plats à préparer pour la centaine d’invités ce soir-là – autant dire que la solidarité villageoise, en plus d’être conviviale, est indispensable… Le seul pré-requis est que chacun se munisse de son propre couteau !
