Célébrer Ganesh Chaturthi chez les Govinda
On tourne dans une impasse impossible à trouver pour un non-initié. En plein centre de Palma, je suis la voiture de Maya en essayant d’éviter un trou dans une ruelle gruyère. Qui eut cru que Palma soit un aussi vaste labyrinthe?
Nous sommes en route vers la maison de la famille Govinda. Une famille qui fête avec faste Ganesh Chaturthi, la naissance du dieu Ganesh, tous les ans et accueille chez elle plusieurs centaines de personnes pour prier et festoyer avec eux.
La mère est vieille. Une petite dame toute ridée et fort sympathique. Elle est née « dan Gorz » (comprenez les Gorges de la Rivière Noire) et a grandi à Bois Nourri. Elle a connu la vie de letan lontan. Quand elle dit qu’elle est née dans les Gorges, il ne faut pas le prendre pour une figure de style littéraire. Elle est vraiment née dans une maisonnette en pleine forêt des Gorges, dans un petit hameau peuplé de personnes venues de l’Etat du Maharasthra en Inde pour commencer une nouvelle vie ici. Avec son mari, le patriarche respecté, ils ont fêté leurs 70 ans de mariage.
Une vie bien remplie. 5 garçons et 5 belles-filles. 3 filles et 2 gendres. 17 petits-enfants et 12 arrière-petits enfants.
Les femmes sont très maquillées, la couleur rose bonbon de leurs joues, le talc sur leur cou et leur sari d’apparat. Une fois leur prière terminée, ils ne tournent pas le dos à l’effigie et sortent à reculons.
L’arche sous laquelle repose le Ganesh est décorée de feuilles d’argent découpées en forme d’étoiles. Des étoiles collées par ci, par là d’une main malhabile. On devine la peine qu’il a fallu prendre pour les découper et les coller, le temps passé à le faire. Comme un cadeau à Ganesh. Je me dis que ça doit être l’œuvre des arrière-petits-enfants. Leur contribution aux festivités. J’ai tort. C’est le patriarche qui a patiemment créé cette décoration d’étoiles bleues, roses et argentées.
Un disque passe en boucle des incantations à Ganesh en sanskrit « Om Shri Maha Ganapati », « Om Shri Maha Ganapati », « Om Shri Maha Ganapati », « Om Shri Maha Ganapati »… des gouttes d’eau coulent une à une, lentement, sur le lingam grâce à un ingénieux système. Une odeur forte d’encens nous enveloppe comme une vapeur qui flotte dans la pièce.

Une torpeur nous étreint, assises là, sur nos petits bancs de bois. La ronde de nos pensées, « Om Shri Maha Ganapati », « Om Shri Maha Ganapati » est stoppée nette par le bruit sec de la noix de coco cassée avec un coutelas. Crac !
Certains gestes des gens venus prier ne sont pas très assurés, dans quel ordre faire les choses? Un assistant les guide gentiment, « pran delo dan seo », pour rafraîchir le lingam ou shivling, la pierre oblongue symbole du dieu Shiva.
Chaque famille qui vient ici, prier et saluer la famille, va aussi ailleurs et a entrepris une longue tournée des Ganesh de la région jusqu’à Cascavelle. « Manz enn tigit », « non mersi, fek manze la », « MBC pou vinn filme aswar ». On prend et on donne des nouvelles, et le temps d’une demi-heure les liens déliés par une année où chacun était occupé à vaquer à ses occupations sont tissés à nouveau.
Curieuse de nous voir prendre des notes et des photos, une dame m’interroge « han, morisien ou… mo ti kwrar etranze ». Elle vit à la Louise et se rend à Cascavelle. Demain elle ira comme beaucoup d’autres cette année, assister à l’immersion de Ganesh à Pierrefonds. Elle s’arrête à chaque endroit pour dire bonjour et prendre des nouvelles. De La Louise à Cascavelle, cela lui prendra la journée.
