
Road trip littéraire : Port-Louis en 3 romans
Les expériences culturelles que nous prenons tant de plaisir à façonner sont le fruit d'un patient travail de recherche. Pendant des mois, nous explorons les ruelles d'un lieu, nous prenons le temps de la rencontre, nous nous asseyons autour d'un verre de sirop trop sucré et nous écoutons joyeusement nos compagnons nous raconter leur vie. Comme des petites fourmis nous assemblons petit à petit toutes les informations et les histoires de vie, qui deviendront le socle de nos visites guidées.
Pour nourrir notre pensée et étoffer nos contenus, nous lisons aussi beaucoup.
Des ouvrages historiques, sociologiques, ou anthropologiques sur l'Ile Maurice. Des romans écrits par des auteurs mauriciens bien sûr. Des recueils de poèmes. Des rapports oubliés au fond de tiroirs obscurs. Des dissertations de fin d'année d'étudiants à l'université de Maurice. Oui, les rayons de notre bibliothèque sont très variés !
Nous avons eu envie de partager avec vous ces ouvrages sur l'Ile Maurice que nous lisons. Nos livres de chevet ou les nouveautés qui nous ont plu et que nous aimerions vous faire découvrir à votre tour.
Une petite bibliothèque virtuelle.
1. Made in Mauritius, Amal Sewtohul
La vie à Port-Louis pendant la période de l'accession à l'indépendance de l'île. Une histoire d’amitié. Une histoire d'arrivées et de départs. Une histoire drôle, émouvante et souvent grinçante.
« Tu veux un souvenir plus pittoresque, plus racontable ? Je me souviens du comptoir de la boutique, ce comptoir derrière lequel mes parents ont passé toute leur vie. Je me vois rampant, à quatre pattes, sur le sol de pierre poussiéreux – une poussière de poudre de riz – me dirigeant vers ce comptoir. Et mon père qui retourne dans le sac, d’un mouvement rapide du poignet, un peu du riz qu’il vient d’extraire avec une grosse louche de fer-blanc. C’est un truc du métier de boutiquier, d’une main on montre à la cliente le cadran de la balance en lui disant : “Deux livres et demie, nous sommes bien d’accord, madame ?” Et de l’autre on plonge de nouveau la louche dans le sac en papier contenant le riz de la cliente, et on en extrait un peu, qu’on jette dans le sac en toile de jute, sous le comptoir. »
Made in Mauritius, Amal Sewtohul. Gallimard, 2012.
Si vous souhaitez le lire, n'hésitez pas à l'acheter en librairie ou en ligne.
2. Eve de ses décombres, Ananda Devi
De sa plume troublante, Ananda Devi raconte l’adolescence d’Eve, Savita, Sad et Clelio, quatre jeunes gens qui vivent dans un des faubourgs de la capitale. Le Port-Louis de ceux de la lisière, ceux qui n'y trouvent pas leur place.
« Je suis une longue trajectoire circulaire dans Port Louis, illuminé par sa poussière chaude, je passe par la rue de la Corderie où les effluves de poisson salé me ramonent les narines, fais un grand détour par la rue Wellington, descends la rue de la Poudrière où je salue derrière les murs de pierre les fantômes des anciennes putains, et je reviens vers le Champ de Mars, où la citadelle me regarde de son œil noir. En chemin, je bouscule les gens, monte sur les trottoirs, m’enfile entre les voitures, manque de me faire renverser par des autobus qui pètent leur fumée noire dans ma figure…
Les choses tourbillonnent dans ma tête. Port Louis vole quelque chose en moi. Trop de gens, trop de voitures, trop de buildings, trop de verre fumé, trop de nouveaux riches, trop de poussière, trop de chaleur, trop de chiens errants, trop de rats.»
Eve de ses décombres, Ananda Devi. Gallimard, 2006.
Si vous souhaitez le lire, n'hésitez pas à l'acheter en librairie ou en ligne.
3. Le chant de l’aube qui s’éveille, Brigitte Masson
Le Port-Louis des "années de braise" au début des années 1970. Période de grands chamboulements sociaux, de tension et d'espoirs. Une grève générale est suivie par les dockers, et les activités du port sont paralysées.
« Depuis plusieurs jours déjà, de nombreuses marchandises ne peuvent être déchargées et les bateaux font la queue à l’entrée de la rade. Hier, les journaux n’ont pu paraître, faute de papier. Qu’à cela ne tienne, les rédacteurs en chef ont décidé de partager ce qui reste et de publier plusieurs titres sur la même feuille. Voici Le Militant et Le Mauricien qui se côtoient sur un papier bleu presque transparent et de petit format. Les feuilles s’arrachent et passent de main en main. Le pays est en ébullition. Sur les billets de banque, des anonymes passent des messages d’unité et de solidarité. Des portraits de Paul sont dessinés au recto, avec sa moustache bien apparente. Bien que les rassemblements soient interdits en raison de l’état d’urgence, les rues sont remplies de petits attroupements qui discutent et commentent l’actualité. »
Le chant de l'aube qui s'éveille, Brigitte Masson. La Maison des Mécènes, 2012.
Si vous souhaitez le lire, n'hésitez pas à l'acheter auprès de l'auteure.
