Cantine des rues
Extrait de l'article de François Simon
Précisément ce matin, Maya va nous prendre par la main. Cette anthropologue de formation est professeur en université. Quelque chose la tracassait : théoriser sur le patrimoine et le laisser s’effilocher, disparaître faute d’en parler et de le montrer. Elle a donc décide de créer My Moris avec une amie, Shakti, et de pousser les portes de l’île.
Nous voici donc dans Port-Louis, la capitale : sortir du cercle touristique solidement matérialisé dans son mall, et s’embarquer dans les ruelles, tomber sur des dim sums merveilleusement parfumes a la coriandre fraîche. Ce restaurant étroit comme un couloir (pardi, c’est un couloir !) aligne deux tables. Le tour est joué. Mais jamais miss Yung ne vous donnera la recette.
De l’autre côte de Royal Road, accroupie sous sa bâche bleutée, Nooriza, assistée par son fils, tourne inlassablement ses pistaches sur la braise et le sable. Elle fait cela depuis vingt-cinq ans. Elle accepte la photo comme les encouragements (en créole) de Maya. Celle-ci, en portant un regard complice, soutient les petits métiers de la rue. Elle confère une fierté à ces boulots fragiles, qui monnaient pour quelques roupies des pâtisseries chinoises, à l’exemple d’Amina, sur Queen Street. Elle qui, dès 6h30, depuis vingt-six ans, fait chauffer ses rotis, petites crêpes fourrées à l’oignon, à l’ail, au gingembre et au thym.
Apprivoiser l’ailleurs
Tout à coup, un autre pays se dessine, nous extirpant de la torpeur vacancière et in fine, nous délivrant un hédonisme contemporain : la sensualité de la connaissance.
Surgit alors une géographie gourmande sans queue ni tête. Un fatras savoureux où se mélangent le XVIII siècle marseillais, la bourgeoisie de marine bretonne, l’Afrique, l’Inde, la Hollande, la Chine, le tout servi sur sauce creole. L’histoire passe sans arrêt. En 1810, le Royaume-Uni prend le contrôle de l’île. Elle dépose les Anglais dans un nuage de lait, et le Wedgwood Blue sur les lattes de bois des rideaux, la conduite à gauche et quelques brouillards matinaux. Dans ce chaudron ventile, les cultures s’adoucissent : les Français sont moins pénibles, les Anglais moins victoriens, l’ensemble apaisé par l’hindouisme un peu plus souple qu’en Inde, sur fond de mosquées, églises et temples tamouls.
Cliquez pour lire la suite de l’article sur le tour culinaire de my Moris et sur l’Ile Maurice, dans Air France Magazine, rendez-vous pages 139 à 153
